Faites le point en quelques minutes sur le transfert de compétence, de personnel et de charges.
Le cadre réglementaire du transfert
La distinction entre transfert et délégation
Il est important de bien distinguer le transfert de compétence de la délégation de missions.
Un EPCI n’a pas, contrairement à ses communes membres, de compétence générale. Il ne peut donc exercer que les compétences qui lui ont été explicitement transférées soit par la loi, soit par ses communes membres et qui, de ce fait, figurent dans les statuts Le transfert de compétences est définitif, sur décision de l’organe délibérant de l’EPCI. Il est donc indispensable d’établir les conditions de ce transfert à travers une évaluation des charges. Une compétence ne peut pas être transférée deux fois.
La compétence tourisme a été explicitement transférée aux EPCI dans le cadre de la loi NOTRe : il n’y a donc plus de cas, à partir de janvier 2017, de transfert de cette compétence d’une commune à une intercommunalité.
Lorsque les missions sont remplies par un office de tourisme, on parle de délégation : la collectivité peut, en créant un office de tourisme, lui déléguer tout ou partie de l’exercice de cette compétence. A la différence du transfert, la délégation de missions peut être annulée, modifiée ou retirée, toujours par décision de l’organe délibérant de l’EPCI.
Transfert de la compétence tourisme et transfert de charges
Lors du transfert de la compétence tourisme, la commune transfère les services et les coûts liés aux services (personnel, subvention, etc) et met à disposition les biens meubles et immeubles. Cela signifie des charges en moins pour la commune, et des charges en plus pour l’EPCI.
Les charges transférées sont calculées au jour du transfert, et des compensations financières définies par la CLETC (commission locale d’évaluation du transfert de charges). A noter que les compensations sont figées pour les années à venir, sauf dispositions spécifiques prévues par la CLETC.
Le principe de neutralité financière est la règle absolue. Du coup, une commune qui transfèrera des charges (personnel, subventions) et des recettes (taxe de séjour) aura des attributions de compensation minorées ou majorées pour arriver à cette neutralité. L’attribution de compensation a pour objectif d’assurer la neutralité budgétaire du passage à la taxe professionnelle unique et des transferts de compétences à la fois pour l’EPCI et pour ses communes membres. Ce principe ne fonctionne pas pour les EPCI à fiscalité additionnelle.
Le transfert de personnel
Dans le cadre du transfert de la compétence tourisme, les personnels ayant des missions liées à cette compétence sont automatiquement transférés à la nouvelle structure, en vertu de l’article L 1224.1 du Code du travail. Les contrats de travail sont donc repris par la nouvelle structure, dans les mêmes conditions.
A minima, le personnel devra être transféré à l’EPCI ou au nouvel office de tourisme à la date du transfert de compétence. Les charges de personnel doivent être incluses dans l’évaluation du transfert de charge. Il est donc nécessaire de bien regarder les personnes affectées directement aux missions de l’office de tourisme qui sont transférées avec la compétence. La comptabilité analytique simplifie relativement l’exercice.
Il existe plusieurs cas de figure, en fonction du statut juridique des structures créées ou modifiées
- Du droit privé au droit privé (association -> association ou association -> EPIC, sauf directeur et comptable)
Le transfert de personnel s’effectue automatiquement à partir du moment où la structure est créée. Il n’y a donc pas besoin de régulariser les contrats (hors cas particuliers et changement d’organisation). Il est tout de même fortement conseillé d’actualiser contrats et fiches de postes le plus rapidement possible, ou après quelques mois de la nouvelle organisation.
- Dans le cas inverse, si un OT en régie est transformé en association, la mise à disposition du personnel n’est possible que pour les agents titulaires. Qu’advient-il du personnel alors ?
Pour les agents titulaires, une mise à disposition ou un détachement au sein de l’association peut être envisagé.
Pour les agents non titulaires, il faut faire application de l’article L. 1224-3-1 du code du travail selon lequel : « Sous réserve de l’application de dispositions législatives ou réglementaires spéciales, lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat régi par le présent code. Le contrat proposé reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. En cas de refus des agents d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne morale ou l’organisme qui reprend l’activité applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés ».
Le mécanisme est relativement bien expliqué dans cet article.
Concernant les frais de personnel, comment évaluer les charges en fonction des différentes missions ?
Par exemple pour un directeur de station, 0.4 ETP sur le tourisme et 0.6 ETP sur d’autres missions. Idem pour des salariés à la fois sur des missions transférées (accueil) et non obligatoirement transférées (animation).
On se réfère dans ce cas au document comptable, au contrat de travail et aux fiches de poste. Il est nécessaire d’établir en bonne intelligence l’affectation d’un salarié avec ce dernier et ses responsables, en fonction de la part de son travail dédié aux missions transférées et non transférées. C’est la CLECT qui définit ensuite cette répartition des charges. Une fois actée par la CLECT, cette répartition est verrouillée. La « sectorisation » des missions du personnel dédié à chaque compétence est indispensable, pour définir les charges liées. Dans le cadre de mises à dispositions, on peut considérer que le seuil de 50% est déterminant. Le transfert du personnel peut ainsi être établi par voie de mise à disposition.
Tableau récapitulatif du transfert de personnel, selon les changements de statut des structures
Le cas particulier du transfert du contrat de directeur d’association en EPIC
A l’occasion de la transformation d’un office de tourisme associatif en office de tourisme de droit public, la question du transfert des personnels nous est fréquemment posée. L’article L. 1224-1 du code du travail précise bien que dans ce cas de figure « tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».
Cependant, le contrat du directeur d’EPIC étant particulier (contrats de trois ans renouvelé de façon expresse, puis CDI au bout de six ans), certaines collectivités pensaient pouvoir casser le contrat du directeur de l’association pour procéder à un nouveau recrutement.
Plusieurs jugements ayant été rendus à la matière, donnant tort aux collectivités, nous avons demandé à Maître E. Fabing de rédiger une note juridique explicative à l’attention des collectivités.
Elle montre clairement l’obligation qu’ont les communes ou les intercos à l’occasion du changement de périmètre ou de nature juridique de l’office de tourisme :
- Si l’office de tourisme associatif est transformé en EPIC, le contrat du directeur de l’association est transféré directement en CDI à l’EPIC, sans période d’essai.
- Si l’office de tourisme communal se transforme en office de tourisme communautaire, ce sont les mêmes règles qui s’appliquent.
- Si le nouvel office de tourisme en EPIC est la fusion de plusieurs offices de tourisme associatifs, il doit être proposé aux différents directeurs existants un poste le plus équivalent possible, avec reprise des clauses substantielles, souvent des directions de pôles.
Témoignage et retour d’expérience de transfert
Le webséminaire de février 2017 intitulé « Les essentiels en droit du travail et du transfert : nouvel office, nouvelle équipe, nouveaux locaux » retrace les différentes étapes du transfert de personnel, avec le retour d’expérience de Laurence Harispe, de l’agglomération du Pays Basque.
Il vous est possible de visionner le webséminaire sur notre chaine Youtube et également de télécharger la présentation.
La foire aux questions
La directrice a été nommée avant la création de l’EPIC ?
Elle a été annoncée par les élus, puis nommée par le Président et délibération par le codir.
Le choix des avantages uniformisés s’est fait sur une base légale ou librement ? Il me semble qu’il y a une distinction à faire entre les avantages collectifs et les avantages individuels.
Les deux : une base libre pour certains avantages et pour d’autres, une application du règlementaire (ex. mutuelle). Dans le cas présenté, les avantages étaient collectifs, par structure.
Les contrats des anciens directeurs (en cdd public) qui ne sont plus directeurs d’EPIC doivent ils être transférés en CDI (objet CDD : pas saisonnier, accroissement temporaire d’activité, remplacement) ?
Logiquement les CDD sont transférés en CDD. La question de l’ancienneté peut-être évoquée mais la question devra être tranchée par un avocat compétent.
Les clauses substantielles doivent obligatoirement être identiques ? Pouvons-nous revoir le lieu de travail par exemple ? ou l’annualisation du temps de travail ?
Les clauses substantielles sur l’avenant sont spécifiques à chacun. Le lieu de travail, temps de travail, etc peuvent être revus avec le salarié.
Pour le personnel qui passe de droit privé à public. Qu’en est t-il ? Avons-nous des statuts correspondants dans le public ? Le personnel qui a basculé en régie est même sur plusieurs grilles (animation, patrimoine). Est-ce possible ? A notre connaissance il n’y a pas de grille correspondant à nos métiers.
Il n’existe pas de statut correspondant en effet. La base est le salaire net annuel. Il faut donc identifier une équivalence en salaire net annuel “public” pour détermination du grade, de l’indice, de l’échelon.
Si l’employeur change, une avocate spécialisée en droit du travail m’a dit qu’un avenant ne suffisait pas, mais qu’il fallait refaire un contrat.
L’avocate qui a fait le suivi nous a proposé de faire des avenants. Lorsque l’employeur change mais que le personnel (et donc son contrat) est transféré automatiquement, un avenant suffit. C’est lorsque le personnel (et donc son contrat) n’est pas transféré automatiquement, l’employeur doit proposer un nouveau contrat à cette personne (dans le cas d’un titulaire de la fonction publique passant dans une structure privée par exemple).
Un cabinet d’accompagnement nous a dit que pour les avantages sociaux , il n’y avait pas d’obligation d’harmonisation des avantages et être conservés comme des « acquis de l’histoire ». le passé salarial apparaîtrait dans l’indemnité différentielle.
Il n’y a en effet pas d’obligation. Pour le cas de Saint Jean de Luz, cela a été un choix de nos élus. C’est plus simple pour le management d’équipe et la comptable en charge des paies et des ressources humaines, même si cela induit un coût non négligeable.
Pour lieu de travail principal.. si déplacement vers autre lieu de travail inhabituel, vous calculez AUSSI le temps de trajet comme temps de travail ?
Oui, c’est ce qui est inscrit dans la convention collective. Il faut préciser sur le contrat de travail de chaque salarié où se situent la ou les résidences administratives, et où le salarié est amené à travailler.
Prenons l’exemple d’un office de tourisme avec un siège et 3 points d’accueil. Il peut être précisé dans les contrats ou avenants que les salariés peuvent travailler sur les 3 sites, qui sont considérés comme des résidences administratives. Les seuls frais remboursés le sont quand ils se rendent dans la journée d’un point à un autre. Quand ils y passent la journée, il n’y a pas de frais. Un document d’entreprise atteste de la distance entre les sites et ce sont ces distances qui font foi pour le remboursement, sur base de la convention collective.
Dans les avenants, quand sont évoqués les horaires de travail. Est-ce juste l’indication de la durée du travail via le choix d’une modalité de la CCN ou le détail des horaires ?
Il s’agit de l’indication de la durée du travail. Le détail des horaires ne figure pas.
S’il n’y a pas maintien de mission communale, la dissolution de l’OT est donc obligatoire avant transfert ?
Non, il n’y a d’une part aucune obligation de dissolution, et d’autre part il est même préférable de dissoudre l’ancienne structure après le transfert des activités et charges à la nouvelle. Sauf lorsqu’il s’agit d’une fusion-absorption, procédure dans laquelle la structure absorbée est dissoute dès l’absorption en AGE.
Pour le transfert de charge, quelles sont les références juridiques ? Notamment concernant les bâtiments ?
Code Général des Impôts, Article 1609 nonies C : transfert de charges
La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale rend obligatoire la mise à disposition de l’EPCI des biens meubles et immeubles communaux utilisés à la date du transfert, pour l’exercice des compétences concernées sans aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire.
Cette mise à disposition est constatée par un procès-verbal établi contradictoirement entre la commune antérieurement compétente et l’EPCI.
Vu la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République.
Vu le Code Général des Collectivités Territoriales, notamment les articles L. 5211-5-III, L. 5214-16, et L. 1321-1 et suivants.
Pour aller plus loin…
- Retrouvez les ressources liées au transfert de personnels et de charges :
- la boîte à outils méthodologique « Structuration mode d’emploi«
- la boîte à outils sur la compétence tourisme & le cadre réglementaire
- Retrouvez les webséminaires qui reviennent sur la gestion d’un office de tourisme sous les trois statuts juridiques les plus fréquents :