Souvent considérés comme deux secteurs à part, voire cloisonnés, le tourisme et la mobilité partagent pourtant des enjeux communs : transition écologique, maillage territorial, accès à l’information, qualité de l’expérience visiteur…Face à ces défis, les organismes de tourisme sont amenés à jouer un rôle actif dans la transformation des mobilités. En lien avec les acteurs du transport, ils doivent repenser leurs approches : coopérer, co-construire, et proposer des services utiles aux visiteurs comme aux habitants.
Comment mieux faire dialoguer tourisme et mobilité ? Quels leviers activer collectivement pour proposer des solutions concrètes, durables et adaptées aux réalités des territoires ? Et surtout, comment favoriser l’inter-connaissance et l’action partagée entre ces deux univers complémentaires ?
Dans cet article, nous vous partageons les enseignements clés de la Rencontre Réseau « Transports, mobilités et tourisme ». À travers les échanges, les retours d’expérience croisés entre acteurs du tourisme et de la mobilité, ainsi que les éclairages d’experts, nous explorons ensemble des pistes concrètes pour mieux coopérer, comprendre les défis actuels et construire des solutions adaptées aux territoires.
Regard croisé sur la gouvernance tourisme et la gouvernance mobilité

Tableau comparatif des gouvernances tourisme et mobilité en Nouvelle-Aquitaine – MONA
Comprendre les différences de fonctionnement entre mobilité et tourisme, c’est poser les bases du dialogue, de l’interconnaissance pour ensuite pouvoir proposer des actions partagées.
Le tourisme et la mobilité fonctionnent selon des logiques distinctes : cadres législatifs spécifiques, compétences partagées à des échelles différentes, structures et statuts variés, modèles économiques propres :
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Mobilité : pilotée par les Régions, structurée autour de la LOM, encadrée par des règles techniques et réglementaires.
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Tourisme : encadré par le Code du tourisme, réparti entre OT, ADT, CRT, avec une forte diversité de statuts et d’échelles.
Comprendre le parcours usager pour mieux coopérer
Comprendre le parcours de l’usager permet de mieux cerner les rôles respectifs – et complémentaires – des acteurs du tourisme et de la mobilité. De la planification du séjour jusqu’aux déplacements sur place, les besoins évoluent, tout comme les points de tension ou de confort ressentis par l’usager. Julien de Labacca parle d’un « encéphalogramme du tourisme », où les pics de stress correspondent souvent aux moments de transition, de choix ou d’incertitude.
Le schéma ci-dessous met en avant l’interaction entre Tourisme et Mobilité dans le parcours utilisateur. Voici les étapes, les besoins et les missions de chaque secteur :
Je planifie depuis chez moi :

© Schéma par Julien de Labacca de l’explorateur des mobilités. Tout droit réservé
- Le stress est faible si l’information est claire, centralisée, accessible.
- Besoin : plateformes lisibles, offres inter-modales, conseils personnalisés.
- Ici, la mission de l’OGD (Organisme de Gestion de la Destination) est d’informer, inspirer, guider. Celui de l’AOM (Autorité organisatrice de la mobilité) est de rendre visible l’offre de transport et de favoriser l’interconnexion des réseaux.
Je voyage jusqu’à ma destination :
- Le niveau de stress peut grimper : choix du mode, correspondances, horaires, retards…
- Besoin : fiabilité, lisibilité des trajets, assistance en cas d’imprévu.
- L’AOM est en première ligne sur l’exploitation des réseaux et l’info voyageurs. L’OGD peut ici jouer un rôle de relai d’info ou d’accompagnement, notamment via les OT.
J’arrive sur place :
- Moment de transition : stationnement, dernière portion du trajet. Exemple : parking-relais (P+R), navette gare-centre, vélo en libre-service…
- Besoin : orientation claire, solutions simples pour finir le trajet. C’est dans ces moments de passage que l’articulation entre tourisme et mobilité doit être la plus fluide (Temps d’interface = temps de stress potentiel). Les interfaces sont souvent les angles morts de l’expérience usager — et pourtant les plus décisives pour créer un parcours sans couture.
- Les OT peuvent intervenir sur l’information locale et l’accueil physique ou numérique, en lien avec les AOM.
Je me déplace sur place :
- C’est souvent là que l’OT est le plus mobilisé.
- Besoin : autonomie, simplicité d’usage, diversité des modes (train, navettes, vélo, autopartage, BatCub, etc.).
- L’AOM gère l’offre, les OT orientent vers les services, suggèrent des itinéraires, valorisent la mobilité douce dans les parcours touristiques.
- Ce moment est stratégique pour changer les habitudes et valoriser une mobilité durable intégrée à l’expérience touristique.
Freins et défis actuels à l’intégration tourisme et mobilité
Si la convergence entre tourisme et mobilité semble aujourd’hui incontournable, elle se heurte encore à un certain nombre de freins structurels, techniques, politiques et culturels. Pour aller plus loin, il est essentiel de comprendre ce qui coince concrètement sur le terrain.
Un modèle encore très centré sur la voiture, avec près de 40 millions de voitures individuelles en circulation en France, difficile de parler mobilité sans intégrer cette réalité dans les usages… mais aussi dans les représentations collectives. La voiture reste perçue comme incontournable dans de nombreux territoires, notamment ruraux ou peu desservis.
- Certains visiteurs ne peuvent tout simplement pas faire autrement que de venir en voiture.
- Le stationnement devient un enjeu clé : trop absent, il génère du stress ; trop présent, il freine la transition.
- Les mobilités partagées (covoiturage, autopartage) restent encore marginales.
Une complexité institutionnelle difficile à dépasser. La gouvernance de la mobilité est fragmentée. (Région, Département, Communauté de communes, communes, syndicats mixtes…) et le tourisme, lui aussi, est réparti entre plusieurs niveaux (OT, ADT, CRT…). Résultat : des inégalités d’accès à l’information, des délais de mise en œuvre, une lisibilité faible pour les usagers.
Le mythe du MAAS et le défi de la donnée, Le Mobility as a Service (MAAS) est souvent présenté comme la solution miracle. Il s’agit de permettre à un usager de planifier, réserver, payer, et voyager sur l’ensemble du territoire depuis une seule application. Mais dans les faits le sujet de la donnée est au cœur du problème : un MAAS n’est qu’une interface. Sans données actualisées, fiables, accessibles, il ne fonctionne pas.
Un retard sur la maîtrise et la gouvernance de la donnée. Au-delà de la question technique, c’est toute une culture de la donnée touristique et mobilité qu’il faut repenser.
La donnée est souvent obsolète, non priorisée, mal intégrée. “La page ‘comment venir’ de certains sites n’a pas changé depuis 10 ans, alors que l’offre, elle, a évolué.”
Le SIT (Système d’Information Touristique) montre ses limites : lourd, peu réactif, il demande à être repensé dans une logique de gouvernance partagée.
Les données issues d’OpenStreetMap (OSM) sont riches, mais encore peu valorisées, malgré un potentiel intéressant : vectorisation des fonds, données libres, contributions collectives…
La faiblesse du temps réel. Un autre frein majeur : l’absence de données en temps réel fiables, notamment sur les horaires, les perturbations ou les correspondances.
Les rôles des acteurs du tourisme dans la mobilité
OGD et AOM n’ont pas les mêmes périmètres d’action, mais ils peuvent se croiser utilement sur ces temps-clés, en co-construisant des solutions pratiques, visibles, bien intégrées aux parcours réels des visiteurs. Tourisme et mobilité peuvent se retrouver autour de trois grandes priorités communes :
- Mettre en avant les lieux d’intérêt à proximité des réseaux de transport
- Améliorer l’intermodalité, en facilitant les enchaînements entre modes (ex. : déploiement d’outils comme Fairtiq, accès aux infos pratiques en un clic).
- Mettre en tourisme l’offre de transport, c’est-à-dire intégrer un trajet en partie intégrante de l’expérience touristique
Ce que peuvent faire les AOM pour mieux intégrer le tourisme
Les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont une capacité d’action directe sur l’offre de transport, son accessibilité, sa lisibilité et sa qualité. Pour mieux croiser leurs actions avec celles du tourisme, elles peuvent :
- Mettre en avant les points d’intérêt touristiques dans l’information voyageur : remplacer un simple « terminus : Cité scolaire » par « via centre-ville historique », par exemple.
- Intégrer les POI (points d’intérêt) dans les Systèmes d’Information Multimodale (SIM) et les applications de type MaaS.
- Créer une rubrique dédiée au tourisme sur leur site web, avec des infos pratiques, suggestions d’itinéraires, liens vers les OT…
- Informer sur l’offre régulière de manière adaptée aux touristes : horaires simplifiés, traduction, accessibilité, etc.
- Améliorer l’intermodalité et les interfaces : parkings relais, services de location, correspondances facilitées.
- Permettre l’emport des vélos dans de bonnes conditions (équipements, réservation, info claire).
- Améliorer les itinéraires doux et les espaces publics pour faciliter la marche, le vélo, et les circulations apaisées.
Ce que peuvent faire les Organisme du tourisme pour devenir acteurs de la mobilité

Les offices de tourisme, de leur côté, sont en première ligne pour guider, conseiller, rassurer et inspirer les visiteurs au moment clé où ils se déplacent sur place. Même si leur levier d’action est plus fort « à l’arrivée » que « sur le trajet », ils peuvent agir sur de nombreux aspects :
- Créer une rubrique mobilité sur leur site ou dans leurs brochures : comment venir, se déplacer, à quel coût, avec quels services.
- Travailler sur la désirabilité du parcours
- Proposer ou vendre des offres de transport (billets, pass, forfaits combinés…).
- Être présents là où arrivent les visiteurs : gares, aéroports, haltes fluviales, etc.
- Travailler le « dernier kilomètre » en informant sur les navettes, locations, services d’auto-partage…
- Mettre en tourisme les offres régulières : transformer un trajet en découverte du territoire.
- Tester les services, pour pouvoir en parler concrètement et en toute crédibilité.
- Développer une politique interne de mobilité : dans leurs supports de communication, leurs conseils sur place, leurs actions de promotion.
- Accompagner l’intégration des modes doux dans les pratiques touristiques : circuits à vélo, Accueil Vélo, randonnée, etc.
- Imaginer ou relayer des « pass » touristiques qui intègrent la mobilité (culture + transport, par exemple).
- Être un relai d’information et de sensibilisation, en lien direct avec les visiteurs mais aussi avec les habitants.
- Créer des services, proposer des outils, expérimenter des initiatives
- Tisser une toile d’offres de service et d’acteurs. L’office de tourisme à un rôle de connecteur, il peut être acteur des débats locaux sur la mobilité
Là où les OT ont des leviers forts, ce n’est pas tant sur comment les visiteurs arrivent que sur comment ils vivent leur séjour une fois sur place. Un impact peut-être moins massif, mais essentiel pour impulser des changements d’habitudes concrets et durables.
Inspirations pour une mobilité touristique durable
Un tour d’horizon non exhaustif de projets inspirants, d’innovations locales et de démarches structurantes à différentes échelles est à retrouver ici. Au sommaire :

🚗 Autopartage et mobilités partagées
🚌 Navettes touristiques : relier les sites, fluidifier les flux
🏨 Mobilité intégrée à l’hébergement
🔁 Intermodalité et outils numériques
🎟️ Pass tourisme et mobilité : des offres combinées attractives
🌱 Séjours bas carbone : encourager les choix durables
📣 Coopérations territoriales : vers des stratégies partagées
🧳 Services pratiques au service de la mobilité
📍 Cartographie et centralisation de l’information
🚶♀️ Dernier kilomètre et expérimentations locales
Pour aller plus loin
- Article : “Vélo, la campagne, le quotidien : trouple impossible”
- Ressources de la Rencontre Réseau 2025
- Synthèse en 5 points clés
- Vidéo Retrouvez une synthèse de 5 points d’enseignements
- Présentation
- Atelier A2 Sejours sans voitures “Rencontres du Etourisme 2024”