Tourismophobie, marronnier ou véritable phénomène de société ?
Une image de marque écornée dont les titres d’articles semblent révéler une réelle fracture entre habitants et touristes :
- « Budapest, paradis des jeunes fêtards, enfer des riverains » (Ouest France – décembre 2017)
- « Le pire, c’est le vomi dans les jardinières », Amsterdam en a assez des touristes ! (Le Monde – novembre 2017)
- « Parisien rentre chez toi : pourquoi tant de haine à Bordeaux ? » (Sud Ouest – octobre 2017) ; “Parisien, rentre chez toi, la rançon du succès bordelais » (etourisme.info – janvier 2018)
- « Tourismophobie : quand le tourisme de masse suscite un vent de révolte en Europe » (Les Inrocks – septembre 2017)
- « Tourismophobie : le tourisme de masse va t-il s’autodétruire ? » (Le Point – septembre 2017)
- « Venise, Amsterdam, Dubrovnik… Ces villes n’en peuvent plus du tourisme de masse ! » (L’Express – août 2017)
- « En Espagne, le ras-le-bol du tourisme de masse » (Le Monde – août 2017) faisant écho à un article déjà publié l’année passée « Espagne. Tourismophobie : quand les vacanciers dérangent » (Courrier international – juillet 2016)
- « Ce n’est pas de la tourismophobie, c’est de l’anticapitalisme : en Espagne, des activistes torpillent le tourisme de masse » (France TV Info – août 2017)
- « Les raisons de la tourismophobie (et quelles solutions sont envisagées) » (Huffingtonpost – août 2017)
- « Le mouvement anti-tourisme va t-il s’exporter en France ? » (BFM TV – août 2017)
-
Paris : la rue Crémieux victime de son succès et des Instagrameurs ? (Le Parisien – mars 2019)
Dans un article paru, été 2017, sur le blog etourisme.info intitulé « Tourismophobie, chaud le marronnier, chaud ! » quelques éléments permettaient toutefois de relativiser ces situations sans pour autant nier la réalité. Retour sur quelques extraits énoncées dans l’article :
Sur les constats :
- « Le tourisme va continuer à croître. C’est une bonne nouvelle de savoir qu’un terrien sur cinq a voyagé en 2016. Mais ce n’est évidemment pas sans conséquence que cette mondialisation des échanges : nous connaîtrons dans les années à venir de plus en plus de situations de crise liées au tourisme de masse.
- Le tourisme de masse ne concerne qu’une minorité de lieux ou de périodes de l’année. Chers amis lecteurs, vous qui êtes nombreux à travailler dans le tourisme, je pense que vous aimeriez être plus souvent en situation “d’overtourisme”. Les situations préoccupantes sont dans des spots touristiques, des villes très bien desservies, mais la majorité des zones touristiques en France sont à l’abri de ces problèmes aujourd’hui
- Il s’agît d’un vrai problème qui peut engendrer de nombreuses nuisances : gentrification des centres villes avec difficulté d’accès au logement pour les locaux, hausse des prix, difficulté de circulation, appropriation de l’espace public, cohabitations difficiles, impact sur la culture locale, muséification des centres villes, dégradation environnementale, etc. »
Sur les préconisations :
- « Lorsque les pouvoirs publics se sont emparés assez tôt du problème, des solutions ont été trouvées. C’est le cas par exemple du Parc National des Cinque Terre, en Italie qui a choisi de limiter le nombre de visiteurs. Par contre, quand il n’y a eu ni régulation, ni discussion, ni étude et recherche, les situations se sont vite dégradées : Lisbonne en est un malheureux exemple.
- Les habitants sont au centre de ces enjeux. C’est dans l’échange entre visiteurs et locaux que se construira une acceptation commune. Je cite Nicolas Martin, directeur de l’office de Bordeaux, qui lançait la discussion autour du “marronnier de l’été” sur son mur Facebook au début du mois : “Accueillir des visiteurs c’est à la fois une ouverture aux autres et une opportunité de création d’emploi, il ne faut pas que cela devienne perçu comme une menace. Pour cela, il nous faut favoriser les occasions d’échange entre visiteurs et habitants, autour du sport, de la culture, du vin et de la gastronomie, de la nature, de la vie des quartiers.” Le nombre de commentaires sur le post de Nicolas témoigne de l’intérêt du sujet dans le milieu professionnel…
Pour ces deux chantiers de régulation et de concertation, les autorités locales du tourisme, représentées par l’office de tourisme, ont à prendre des initiatives fortes. Sans doute un beau chantier pour les mois à venir… »
Adopter un point de vue différent sur le tourisme de masse
Lors des #ET15 le “15mn chrono de Paul Arseneault” à marqué les esprits avec son discours sur le surtourisme. Il remet en question le point de vue que la majorité des personnes ont sur le tourisme de masse. Le problème pourrait venir essentiellement d’un manque de gestion et de planification des flux touristiques sur les territoires. D’autant plus que la logique de marketing territorial n’est pas toujours adaptée aux destinations. Il serait important de prendre du recul sur la situation, car le problème ne vient pas toujours des touristes.
“Nous sommes la seule industrie à se plaindre de trop réussir.” Paul Arseneault #ET15
Des villes européennes ont emboîté le pas !
Face à ces constats, nous vous proposons quelques exemples très concrets d’initiatives prises par des villes ou des régions pour consolider le lien étroit entre habitants et touristes. Copenhague, Bordeaux et la Suède (West Sweden) sont les trois premiers exemples que nous vous proposons ci-dessous. Bien évidemment si vous lisez ces quelques lignes et que vous souhaitez nous partager un travail spécifique mené sur ce sujet, n’hésitez pas à nous le faire savoir (email à fabien.raimbaud@monatourisme.fr).
En introduction de la notion de « Localhood » (« état d’esprit local ») sur laquelle Copenhague a misé pour penser son développement métropolitain, il convient de vous aiguiller au préalable sur deux articles du blog etourisme.info « Marketing territorial : pourquoi le tourisme est le showroom des métropoles » et « Et si on devenait tous danois, à fond pour le Localhood ».
Zoom sur Copenhague
Lors des #ET13, Bjarke Hjorth (Visit Copenhagen – Head of Digital Marketing) a marqué les esprits lors de son intervention avec la notion de « Localhood » qu’on pourrait franciser en « état d’esprit local ». Comment créer ou renforcer cet état d’esprit chez les habitants ? Comment réussir à trouver le bon équilibre pour faire cohabiter ensemble la société, le citoyen et le touriste ? Ce savant dosage s’articulerait autour de 5 recommandations :
- Refocus your content approach
- Step outside your comfort zone
- Empower others to share stories
- Partner with unique voices
- Highlight the unexpected.
Zoom sur Bordeaux
Les 3 mesures phares sont les suivantes :
- La mairie va encadrer le phénomène AirBnB (plafond de 120 jours de location maximum)
- Un site internet va être lancé recensant les richesses patrimoniales de la Métropole, pour répartir les flux de circulation
- Des mesures pour limiter la pollution des paquebots de croisière seront prises.
Retrouvez l’article complet (20 minutes – octobre 2017).
Zoom sur West Sweden
« Meet the locals » voilà une bien beau slogan pour partir à la rencontre des suédois et des suédoises lors d’un séjour touristique ! L’Office du tourisme de la Suède de l’Ouest a rassemblé des organisations, des applications, des groupes Facebook et des sites Web qui partagent tous un objectif commun : celui de faire se rencontrer les visiteurs et les locaux sous diverses formes.
Le partage est au cœur de cette démarche : partager ou emprunter au lieu d’acheter ! Ainsi, ils mettent en avant la facilité de pouvoir personnaliser son voyage avant fonction de ses envies et de ses hobbies. Pourquoi ne pas se laisser tenter par une visite guidée avec un habitant, ou bien partager un jogging avec un passionné ou encore découvrir la façon de cuisiner une spécialité locale… Ils mettent en avant le côté simple et multiple des expériences possibles à vivre.
Retrouvez le site Internet « Meet the Locals »
Le démarketing touristique
Déjà utilisé dans plusieurs secteurs d’activité, le démarketing pourrait être une solution pour remédier aux effets néfastes du tourisme de masse. Il s’agit pour les destinations sur-fréquentées de réduire voir même de cesser de promouvoir le tourisme sur leur territoire.
C’est la trajectoire qu’a choisi de prendre l’Office de tourisme du Pays Basque. Dans la publication Revue Espaces “L’accueil touristique va muter vers des services destinés aussi aux habitants”, Nicolas Martin fait ressortir la nécessité de mutualiser les moyens promotionnels afin d’agir collectivement sur le territoire. En effet, seulement 8% du budget de l’OT est utilisé pour des actions de promotion touristique. L’objectif serait aussi de valoriser certains espaces méconnus du grand public pour diffuser les flux touristiques sur l’ensemble du territoire.
Certains territoires victimes de leur succès choisissent de communiquer avec des images plus proches de la réalité, c’est le cas du Parc Naturel Régional des Calanques. Le site internet utilise une autre stratégie, ce ne sont plus des photographies idylliques et des descriptions qui font rêver qui seront utilisées sur les supports de communication.
Pour en savoir plus à ce sujet, n’hésitez pas à consulter cet article !
Vous souhaitez retrouver la racine de la Boîte à outils « Tourisme et Habitants » c’est par ici !